Au XVIIe siècle, chaque année, 3000 têtes de bétail étaient convoyées d’Anglesey vers l’Angleterre. A la fin du XVIIIe siècle, cela avait triplé. Ainsi, au nord du Pays de Galles,on évalue à 6000 têtes de bétail les animaux en provenance de la péninsule de Lleyn. Plus tard, au sud, on évalua à 30 000 bêtes le négoce du bétail provenant du centre du Pays de Galles. Les convois vers l’Angleterre étaient importants. Ils comptaient plusieurs centaines de bêtes rassemblées tout au long du chemin,originaires de fermes ou de villagesisolés. Les fermiers s’étaient prélablement arrangés avec les bouviers, qui étaient bien organisés.
Le Corgi, petit chien bas sur pattes, était pour eux le chien idéal.il avait pour lui la détermination et la rapidité qu’il fallait pour rattraper une bête récalcitrante. Ce petit chien mordait le jarret de l’animal têtu et esquivait promptement le coup de sabot. Les convois étaient divisés en lots. Le bétail se déplaçait par groupe de 400 têtes encadrées par les bouviers à cheval, et les chiens. Le climat était rude. Celui qui a eu la chance de parcourir les collines galloises et les routes de campagne, sait qu’il faut se préparer à affronterle froid, les brumes humides, les grands vents qui vous glacent les os, les nuages bas qui masquent le terrain et vous obligent à faire appel à votre flair et à votre sens de l’orientation.
Il faut s’habiller en conséquence. Par tous les temps, les bouviers portaient le traditionnel sarran. Même l’été, les ourlets restaient humides. Sous leurs sarrans, ils portaient des pantalons de flanelle. Qui connaît la flanelle galloise ?Vous n’avez pas idée de ce que c’est ! Je suis sûre que ces hommes auraient volontiers échangé une bête contre un caleçon thermolactyl. Ils recouvraient leurs pantalons avec de grands bas de laine, laine rustique assez irritante. Pour avoir chaud, il était d’usage de se couvrir de plusieurs couches dont le nombre était tel, qu’en enlever permettait de “réguler” la température. Les chaussettes étaient tricotées à la main pendant les soirées d’hiver, par les hommes et par les femmes. Elles étaient vendues chaque semaine à la foire. Ces bas étaient recouverts de jambières en épais papier bristol brun enduit de savon pour les rendre imperméable. Pour éviter les ampoules dans les sabots de bois, on frottait aussi les pieds avec du savon. Les bouviers n’auraient eu qu’à traverser une rivière pour être couverts de mousse, puis rincés. Avec tant de savon, ils n’auraient pas eu besoin de prendre de bain jusqu’à leur retour au pays quelques semaines plus tard.
Étaient-ils des précurseurs ? Je crois que Sir Edmond Hilary utilise la même astuce durant l’ascension de l’Everest en 1953.
Extrait du Bulletin N° 13 décembre 1998